Depuis des siècles, les Pays-Bas luttent contre la mer pour gagner du terrain sur elle ou se prémunir contre ses tempêtes.

Les Pays-Bas est l’un des pays européens les plus vulnérables au changement climatique : 9 millions de néerlandais vivent en zone inondable, 60% de son territoire est menacé par l’élévation du niveau de la mer et des fleuves, 26% de ses terres sont situées jusqu’à près de 7 mètres sous le niveau de la mer. On estime les dégâts potentiels d’une élévation brutale de la mer ou des fleuves à 400 milliards d’euros juste pour la province de Hollande Méridionale particulièrement exposée.

• PODCAST Veronica Frenks, Conservatrice du musée maritime de Vlissingen

Cette date reste gravée dans la mémoire collective comme un traumatisme sans commune mesure : cette nuit là, les digues qui protégeaient le pays ont cédé.

Il fait nuit noire, ce 1er février 1953, lorsqu’à 3 heures du matin, les digues qui protègent les régions de Zélande, de Hollande-Méridionale et du Brabant-Septentrional cèdent. Sous les effets conjugués d’une grande marée et d’une forte tempête, l’eau s’élève à 4,5 mètres au dessus de son niveau normal. 89 digues, mal entretenues depuis des années, ne résistent pas à la pression.

Des vastes zones furent inondées sur près de 200 000 hectares, près de 2000 personnes périrent, 100 000 furent sans abri. La mer laisse derrière elle un paysage de désolation, de familles endeuillées et le souvenir sinistre d’une catastrophe qui traumatisa un pays entier.

Pris en étau entre la mer et les glaciers alpins, les Pays-bas doivent affronter de concert la montée des eaux de la mer et l’élévation du niveau des fleuves et des rivières.

Trois fleuves principaux parcourent le pays : le Rhin, la Meuse et l’Escaut. Ils irriguent le pays et procurent aux populations un cadre de vie agréable tout au long de ses rives. Si la dernière grande inondation maritime remonte à plus de 50 ans, plusieurs grandes crues fluviales ont eu lieu en 1993 et en 1995.

De nombreuses habitations seraient submergées en cas de fortes crues, mais aussi des infrastructures comme des ports et des aéroports, ou encore des installations chimiques, gazières, nucléaires. Après avoir lutté contre l’invasion de l’eau, les Pays-Bas s’apprêtent à cohabiter avec elle.

• PODCAST Jos van ALPHEN, Senior Advisor, Delta Commissaris

Les Pays-Bas ont tiré les leçons de la catastrophe de 1953 en créant le Plan Delta : 8 énormes barrages furent construits entre 1956 et 1986 pour pouvoir fermer les bras de mer et protéger les populations. Cela suffira-t-il en cas de nouvelle catastrophe ?

« On a environ 18000 kilomètres de digues aux Pays-Bas. Avec le changement climatique, les dangers vont changer, car nous aurons davantage d’eau en hiver. Le risque de voir une digue céder est plus important. Nous sommes aussi un peu responsables du problème, car nous avons construit nos maisons sur les rives des fleuves, dans les marais. Ce sont des zones fertiles, c’est pour cela que nous sommes venus aux Pays-Bas. »

• PODCAST Robert STOMP, Senior Advisor au Ministère de l’environnement et des infrastructures aux Pays-Bas

Ville portuaire, Rotterdam est le poumon industriel des Pays-Bas. Premier port européen par les capacités et la modernité de ses infrastructures, Rotterdam est aussi particulièrement exposé, par sa situation géographique, à la montée des eaux.

La ville fait figure à la fois de modèle et de laboratoire sur les solutions à apporter pour faire face au changement climatique. C’est ici que le plus grand barrage du pays a été érigé. C’est ici aussi que naissent des solutions novatrices pour mieux gérer l’eau douce, l’excédent des eaux de pluies ou encore adapter les habitats à la montée de l’eau.

• PODCAST Paula Verhoeven, Urban Development - Rotterdam

Les Pays-Bas se sont construits sur la gestion de l’eau, depuis la création des premiers conseils de l’eau il y a plus de 800 ans.

"Je rencontre quotidiennement cette problématique de gestion de l’eau dans mes contacts néerlandais. Le réchauffement climatique est ici une problématique majeure, un risque qui est très clairement perçu dans la vie quotidienne des gens. Il y a une très forte mobilisation de la société civile. Les néerlandais ont créé un Dutch Climate Council, qui mobilise des entreprises, des associations, l’Etat, les collectivités territoriales, pour lutter contre les effets du changement climatique qui affectent les Pays-Bas avec l’élévation du niveau des eaux."

• PODCAST Laurent PIC, Ambassadeur de France aux Pays-Bas

Le Rijkswaterstaat dépend du Ministère néerlandais des infrastructures et de l’environnement.

Il gère la conception, la construction, la gestion et la maintenance des infrastructures du pays. Son rôle est notamment de surveiller le niveau de l’eau à travers le pays et de prévenir les éventuelles inondations.

Il doit notamment gérer l’approvisionnement des populations en eau douce, surveiller le niveau des eaux, surveiller le trafic maritime sur les 6000 kilomètres de rivières et de canaux qui composent le réseau fluvial des Pays-Bas. C’est enfin à lui que revient la mission délicate d’alerter les autorités en cas d’inondations prochaines.

Lorsqu’en 1953, les grandes marées dévastèrent toute une région des Pays-Bas, les alertes pour prévenir de l’imminence de la catastrophe ne sont jamais parvenues jusqu’aux communes concernées. Le résultat est connu : des milliers de personnes décédées, surprises par la montée de l’eau pendant leur sommeil, des dizaines de milliers d’habitations détruites.

En cas de catastrophe d’ampleur, il serait aujourd’hui encore impossible de sauver tout le monde. Chacun est donc responsable de sa propre sécurité et doit se tenir informé des risques. Aujourd’hui, aux Pays-Bas, des entreprises, comme la société HKV, mettent à profit les technologies numériques pour renforcer le dispositif d’alerte officielle.

• PODCAST Thomas Beaufils, Attaché de coopération scientifique et universitaire à l’Ambassade de France d’Amsterdam & Maître de conférence à l’Université de Lille

La protection des habitations est un souci constant chez les néerlandais, depuis des siècles.

La première protection reste bien entendu la construction de digues et des barrages en amont pour se protéger d’une brusque montée des eaux de la mer. Dans tout le pays, les villes ont également mis au point des systèmes certes rudimentaires, mais efficaces, pour empêcher l’eau d’entrer dans les rues et d’envahir les maisons.

Face au changement climatique, les Pays-Bas font figure de laboratoire du monde.

Des centres de recherches comme Deltares étudient l’impact de la montée de la mer sur les digues ou les écluses, l’évolution des courants ou encore le contact des vagues avec divers matériaux.

Leurs travaux sont partagés et exportés dans d’autres pays à risque comme le Bangladesh et le Vietnam pour échanger sur les bonnes pratiques et les aider à se préparer au réchauffement climatique.

• PODCAST Modéliser la montée des eaux

Le centre océanographique NIOZ étudie l’interaction entre les océans et le climat.

Le réchauffement climatique est d’ores et déjà bien visible aux Pays-Bas : les hivers se radoucissent, des espèces de poissons qui ne vivaient pas dans ces eaux froides apparaissent..

Si la montée des mers est inéluctable, le centre NIOZ tente aujourd’hui d’en évaluer l’importance et de comprendre comment le réchauffement climatique va transformer l’écosystème en place.

• PODCAST Dr. Jan P. Boon, head communication - NIOZ

L’Institut du climat est dirigé par le Professeur Herman Russchenberg. Ici, les chercheurs étudient les interactions entre la formation des nuages et le changement climatique.

Un des enjeux les plus importants pour appréhender le changement climatique consiste à comprendre comment les nuages interagissent avec la Terre dans son processus de réchauffement. «  Il faut s’attendre à une évolution dans la formation des nuages et du nombre de nuages, en raison de l’augmentation de l’évaporation des océans », explique Herman Russchenberg.

• PODCAST Comprendre l’interaction entre les nuages et le réchauffement climatique - ENG

Pendant des siècles, les Pays-Bas ont gagné du terrain sur la mer en créant ces terres « artificielles » que sont les polders. La stratégie des Pays-Bas consiste désormais non plus à lutter contre l’eau mais à vivre avec elle... ou plutôt sur elle.

De nombreux projets existent de création de villes aquatiques, avec leurs parcs, leurs routes, leurs immeubles, leurs habitations. Ces solutions présentent un double avantage : ces « villes flottantes » sont parfaitement adaptées à la montée des eaux et cette nouvelle approche permet de pallier le manque de terrains disponibles pour créer de nouveaux logements.

Ces expériences font des Pays-Bas un formidable terrain d’expérimentation pour l’ensemble des pays confrontés directement à la montée des eaux.

Cela fait maintenant près de 15 ans que les Pays-Bas ont commencé à créer des îles artificielles, auxquelles sont ancrées des maisons flottantes.

Des grandes baies vitrées, un ponton auquel on amarre son bateau, de larges terrasses pour profiter de la vue, ces maisons séduisent de plus en plus de néerlandais, attirés par le prix encore attractif de cet immobilier aquatique.

Vivre sur l’eau s’apprend : bien que solidement ancrées, les maisons subissent le roulis lors des fortes marées ou des tempêtes. L’hiver, le gel peut facilement recouvrir les tuyaux de gaz ou d’eau. Il faut apprendre aussi à dormir à 1,5 mètres sous le niveau de la mer : claustrophobes s’abstenir.

Mais le sentiment de vivre au plus près de la nature, les sorties en mer ou les baignades, l’espace de ces logements à proximité de villes où le mètre carré grimpe en flèche, l’emporte sur ces considérations.

Ce webdocumentaire sur les effets du réchauffement climatique aux Pays-Bas a été rendu possible grâce à la contribution et l’aide de ces personnes : merci pour votre accueil chaleureux et pour votre participation.

Jos van Alphen, Senior Advisor, Delta Commissaris
Thomas Beaufils, Attaché de coopération scientifique et universitaire à l’Ambassade de France d’Amsterdam & Maître de conférence à l’Université de Lille
Dr. Jan P. Boon, Head Communication & PR, NIOZ
Veronica Frenks, Conservatrice, Musée Maritime de Vlissingen
Rutger de Graaf, Director, Deltasync
Cees van de Guchte, Director climate adaptation & risk management - Deltares
Bas Kolen, Directeur de HKV
Dr. Furu Mienis, Marine geologist, NIOZ
Peter Persoon, Technical Information Officer – Maeslantkering
Laurent Pic, Ambassadeur de France aux Pays-Bas
Pr. Herman Russchenberg, Director, Climate Institut
M. Schoof , un habitant
Robert Slomp, Senior Advisor, Ministère de l’environnement et des infrastructures aux Pays bas
Pr. Gerard van der Steenhoven, Director General, KNMI
Paula Verhoeven, Urban Development, Rotterdam City
Le Waternoods museum